Casa Capsa
(confiserie, Roumanie)
Sis au cœur de Bucarest, dans la Calea Victoriei (anc. Podul Mogosoaiei), à son intersection avec la rue Edgar Quinet, ce célèbre établissement a vu le jour avec une confiserie, créée, en 1852, sur le pont Mogosoaia (auj. avenue Victoriei), par deux des quatre fils du fourreur macédo-roumain Dumitru Capșa*, avec l'enseigne « Au deux frères, Anton et Vasile Capsa ». Elle connut un rapide succès et devint une halte recherchée. Bientôt, Constantin (1832 - 1890) rejoignit Anton (1821-1880) et Vasile (1827-1877). Néanmoins, c'est leur jeune frère Grigore (1841-1902), qui allait faire la renommée de ce lieu. Ses frères l'avaient envoyé à Paris, pour apprendre le métier comme apprenti-confiseur chez Boissier. Il s'y montra particulièrement talentueux, fut le seul étranger à participer au Salon de Paris et se vit proposer de devenir le fournisseur de la cour impériale française. Mais il préféra rentrer à Bucarest, et il entra dans l'affaire, en 1868. Il transféra la Casa Capsa un peu plus au sud, dans un immeuble racheté par sa famille en 1874. Il y développa un restaurant (1881), puis lui adjoignit un salon de thé (1886), appelé à devenir un café réputé.
La réussite de l'entreprise tint, en majeure partie, au fait que les quatre frères finalement impliqués se montrèrent très novateurs, en substituant à la tradition gourmande orientale, jusque là de rigueur en Roumanie, des friandises plus raffinées et moins sucrées, inspirées des usages occidentaux (chocolat, petits fours, fruits confits, bonbons, etc.). Devenue fournisseur de la Cour Princière (1869), puis de la Maison Royale Roumaine (1882), Casa Capsa se vit attribuer la Grande Médaille lors de l’Exposition de Vienne (1873), la Médaille d'Or à l'Exposition de Bucarest (1881), puis la Médaille d’Or dans le cadre de l’Exposition Universelle de Paris (1889). De quoi propager son nom dans le monde entier… Le lieu était devenu incontournable, fréquenté surtout par l'élite politique roumaine et par monarques, princes et personnalités de tous pays. A partir de 1932, il prit une connotation plus artistique et plus littéraire. Le Tout-Bucarest culturel s'y retrouvait, pour y échanger et débattre. Mais l'arrivée du Communisme au pouvoir (1948) changea la donne… D'abord fermée, Casa Capsa fut ensuite rebaptisée Bucuresti. Braserie si Restaurant. Il fallut attendre les années 1990 pour qu'elle récupère son nom et reprenne vie. Mais, dans ces turbulences, elle avait perdu une grande partie de son âme…
Ancien ambassadeur de France en Roumanie, Paul Morand décrit cette confiserie de façon dithyrambique dans le périodique Marianne, du 21 août 1935.
« Capsa, c'est le cœur de la ville, topographiquement et moralement. Capsa, c'est quatre choses à la fois : un hôtel, une confiserie, un restaurant et un café. Imaginez, réunies dans une maison d'apparence modeste et désuète, quatre vieilles gloires européennes : le restaurant Foyot, la confiserie Rumpelmayer, le café Florian de Venise, et l'hôtel Sacher de Vienne. C'est un style, une tradition, une habitude, un organe, un décor, une salle des Pas-Perdus, un monument et une cocarde, que Capsa. Tout Bucarest s'y retrouve vers une heure de l'après-midi. Capsa, c'est un endroit " très civilisé ” diraient les Roumains. Casa, c'est le tympan de cette grande oreille qu'est Bucarest, ville du potin.
D'abord , la confiserie. Les confiseries bucarestoises sont restées ce que devaient être les nôtres, il y a cent ans : des salons, où l'on croque pralines et réputations. Parisiennes par les petits fours et par la langue qu'on y parle, viennoises par leurs indianer krapfen et leur strudel aux pommes, russes par les gâteaux chauds au hachis dont on se charge l'estomac dès le matin, grecques par leurs confitures, turques par leurs baklavas et leurs sherbets, les confiseries de Bucarest offrent une récréation de douceurs, une halte sucrée. […] A part l'eau-de-vie de prune chaude et très sucrée, relevée d'une pointe de clou de girofle, personne n'y boit d'alcool : les dames grignotent des cédrats, des chatteries, des feuilletés turcs au miel, en plaques ou en cornets. Il y a bien à Bucarest d'autres confiseries célèbres : Nestor, sa crème fouettée et ses petits pâtés, Zamfiresco et ses fruits confits, Au Palais et ses immenses croissants bourrés d'amandes chaudes, mais le fin du fin, le véritable arcane, c'est Capsa. […] »
* L’arrivée de celui-ci à Bucarest est due à un épisode dramatique de l’histoire des Balkans : la destruction, en 1788, de la ville macédo-roumaine Moscopole, par l’artillerie ottomane.
Grigore Capsa, phot. Studio Mandy.
De véritables pionniers
• Les frères Capsa furent les premiers à introduire la fabrication de la crème glacée en Roumanie, à Bucarest. Elle était servie dans des coupes en cristal, à pied.
• Ils mirent au point d'innombrables friandises en évocation d'un évènement ou en hommage à des personnalités célèbres. Par exemple : les bonbons Alexandre et Boris, pour commémorer la présence du roi Alexandre de Serbie et du frère du tsar Nicolas II, Boris Vladimirovitch ; les bonbons Theodorini, du nom du célèbre chanteur d'opéra roumain ; la crème Princesse et la glace Princesse Marie, dédiées à la jeune princesse de Roumanie ; la glace Réjane, créée en l'honneur de la grande tragédienne française ; etc.
• En 1920, à l'occasion de la réception, par le roi Ferdinand et la reine Maria, du maréchal Joffre, qui décora le souverain de la Médaille Militaire et remit la Croix de Guerre à la Ville de Bucarest, les frères Capşa créèrent un petit gâteau au chocolat en l'honneur du général. Cette pâtisserie, de forme cylindrique, composée d'une ganache et glacée au chocolate, fut nommée Joffre.
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