Le café
Ce texte est extrait de mon ouvrage
Le Guide de l'Amateur de Café,
éditions Solar, Paris, 2002.
La liqueur
de l’« Arabie Heureuse »
Contrairement à ce qu’il fut parfois prétendu, dans les siècles passés, ni les Grecs ni les Romains ne connurent le café. Bien qu’originaire de l’Arabie heureuse, celui-ci fut en usage en Afrique et en Perse, bien avant que les Arabes n’en fissent une boisson. De fait, les indigènes de la haute Éthiopie, précisément de la région sud-occidentale, l’employèrent de très longue date. Pratique qu’adoptèrent ensuite les Persans, dès le IXe siècle, semble-t-il. Puis le café gagna l’Arabie…
Engraved by J. Bishop & drawn by W. Fitch, « Plants used as food », 1860. Coll. A. P.-R.
Le café fit initialement la fortune du royaume du Yémen, au sud-ouest de la péninsule arabique, une contrée qui, par sa position au carrefour de la mer Rouge et de l’océan Indien, fut appelée très tôt à jouer un rôle commercial important. Il est indubitable que ce haut plateau, doté d’un sol riche en matières volcaniques et bien arrosé grâce à la mousson d’été, réunissait les conditions idéales pour la culture du caféier. La découverte de l’intérêt des fruits de cet arbuste pour la confection d’un breuvage reste néanmoins confuse. Reviendrait-elle à un mufti d’Aden, ville d’Arabie, vers le milieudu XVe siècle (IXe siècle de l’hégire) ? Natif de Dhabban, au Yémen, et de ce fait surnommé Dhabbani — mais de son vrai nom Gémaleddin Abou Abdallah Mohammed Ben-Saïd (1) —, ce mufti (2) aurait, lors d’un voyage d’affaires en Perse, observé que les habitants consommaient cette boisson et que cette dernière était dotée de propriétés bénéfiques. De retour à Aden, il en but pour remédier à une indisposition et remarqua qu’elle avait le pouvoir de dissiper le sommeil. Il introduisit alors le café dans sa cité. « À son exemple, les habitans de la ville, les jurisconsultes et les gens du peuple même prirent du café, les uns pour se livrer avec plus de facilité aux études de leur profession, et les autres à leurs travaux mécaniques. Depuis cette époque, l’usage de cette boisson devint de plus en plus commun. Les fakirs en prenaient dans le temple même en chantant les louanges de Dieu. Le café était dans un grand vase de terre rouge ; le supérieur en puisait dans ce vase avec une petite écuelle, et leur en présentait à tous successivement, en commençant par ceux qui étaient à sa droite, pendant qu’ils chantaient leurs prières ordinaires. Les laïques et tous les assistans en prenaient également. […]
L’usage du café ne fut jamais interrompu à Aden, et l’on dit que les Arabes ne boivent jamais cette liqueur délicieuse, sans souhaiter le paradis à Gémaleddin en récompense du présent qu’il leur a fait.» (3)
Mais devrait-on plutôt attribuer l’usage de cette boisson à un religieux mahométan du nom de Chadely (ou Scyadly) qui, ayant goûté au breuvage, fut tant conquis par ses vertus stimulantes pour l’esprit qu’il le propagea parmi les dévots musulmans, tel un présent divin ? En fait, cette seconde hypothèse, qui fait « naître » le café en Arabie, se perd dans le merveilleux de la fable (4). Laquelle va ainsi : surpris de ne pas voir revenir ses chèvres au soir tombé, un jeune pâtre décida, le matin suivant, de partir à leur recherche dans la montagne. Il les y trouva, cabriolant auprès d’arbrisseaux à l’écorce grisâtre, au feuillage brillant, singulièrement garnis à la fois de fleurs blanches et de petits fruits ronds, plus ou moins colorés. La curiosité le poussa à goûter ces baies qu’il pressentit être à l’origine du joyeux comportement de ses bêtes, et, étrangement, il se mit à danser. C’est alors que passa par là un mollah, très tourmenté par l’assoupissement dont il était victime au cours des séances de prières et qu’il imputait, avec une certaine inquiétude, à une soudaine tiédeur de sa dévotion. Étonné par le spectacle qui s’offrait à lui, le religieux interrogea le berger et voulut, lui aussi, éprouver l’effet de ces fruits. Il en cueillit donc quelques-uns, bien rouges,qui lui semblaient mûrs,et se concoctaune infusion. Celle-ci lui rendit la vivacité d’esprit qu’il croyait à tout jamais disparue, et il en fit aussitôt connaître la miraculeuse propriété à ses derviches.
(1) Il mourut en 1459, soit en l’an 857 de l’hégire. D’après Alfred Franklin : Djémal-eddin-Abou-Abd-Allah Mohammed ben Saïd, mort en 1470.
(2) Haut dignitaire de l’Église d’Aden.
(3) C. E. Joubart d’Aulnay, Musée des familles, février 1842, d’après un manuscrit arabe, traduit par Sylvestre de Sacy, Chrestomathie arabe.
(4) Cette légende a été déclinée sous plusieurs versions. Dans la relation de son Voyage aux Îles de l’Amérique (1722), le père Jean-Baptiste Labat en donna une : « On dit que c’est le hasard qui l’a fait connaître au gardien des chèvres d’un monastère dans l’Arabie heureuse. Cet homme grossier remarqua que lorsqu’il menait paître son troupeau dans un certain endroit où il y avait des arbrisseaux, ses animaux broutaient avec avidité l’écorce et mangeaient les petits fruits qui naissaient le long des branches et qu’après ils passaient toute la nuit à sauter et à gambader dans l’étable où il les enfermait. Cela l’étonna. Il en avertit le Supérieur qui, en homme sage, examina avec soin cette relation. Il crut que les hommes pouvaient s’en servir utilement et qu’en distribuant de cette plante à ses moines paresseux et endormis, pendant les offices de la nuit, il les tiendrait aussi éveillés que ses chèvres.
Il leur en donna avec un succès merveilleux. Les religieux passèrent des nuits dans leurs exercices spirituels sans dormir et sans être incommodés le moins du monde. Ils avaient la tête nette, ils étaient gais, mangeaient avec appétit et jouissaient d’une parfaite santé. »
(5) D’après cAbd al-Qadir al-Jaziri, le plus important des premiers auteurs arabes à s’être intéressés au café. Son livre : Umdat al safwa fi hill al-qahw, 1587.
Légende ou réalité, il semble que le café (qahwa) n’ait été consommé dans le sud de l’Arabie qu’à partir de la toute fin du XIVe siècle. Depuis combien de temps la culture du caféier était-elle alors pratiquée ? La question reste sans réponse. Mais de là la consommation du breuvage se répandit peu à peu. De l’Arabie Heureuse à la Mecque, à Médine, au Caire… Le café aurait été introduit vers 1414 à La Mecque où de nombreux établissements s’ouvrirent, réservés à sa dégustation qu’accompagnaient diverses activités, comme la musique ou des jeux. Le cheikh Jamal-al-Din al-Dhabhani, mufti d’Aden, aurait été le premier à adopter l’usage du café, vers 1454 (5). L’Égypte le découvrit plus tardivement, au cours de la première décennie du XVIe siècle, ce qui n’empêcha pas les Égyptiens de devenir de gros consommateurs de café — à la fin du XVIIe siècle, plus de la moitié du café du Yémen débarqué au port de Djedda, sur la mer Rouge, leur était destinée. D’Égypte, le café gagna la Syrie, principalement Damas et Alep, et s’y implanta avec un égal succès.
Dans tout l’Orient, on buvait du café pendant les prières, à l’intérieur même des mosquées. À La Mecque, les pèlerins en consommaient devant la tombe du prophète. Mais c’est seulement lorsque les boutiques (buyut al-qahwa) apparurent, distribuant le café au public et attirant à elles une telle foule que les mosquées furent désertées, que le breuvage perdit de sa faveur auprès des religieux et fit l’objet de sévères interdictions. Les muessins allèrent jusqu’à prédire aux consommateurs de café qu’ils « porteraient au jour de la résurrection un visage plus noir que le fond des chaudrons dans lesquels on fait bouillir cette infernale substance » (6). Le premier signe de ce changement d’attitude à l’égard du café se manifesta, en fait, à La Mecque en 1511. Deux docteurs persans ayant convaincu l’émir Khaïr-Beg Mimar, mohtesib (7) de La Mecque, alors sous l’autorité du khalife d’Égypte, que ce nouveau breuvage, dit kahwa, était enivrant et qu’il inspirait des divertissements contraires à la loi mahométane, celui-ci réunit une assemblée de doctes personnages pour débattre du sujet. D’aucuns affirmèrent que les débits de café étaient des lieux de perdition, où l’on s’adonnait à des jeux d’argent, où l’on faisait de la musique et où l’on contrevenait à la sainte loi. D’autres invoquèrent que le café nuisait à la santé, provoquait une aliénation des sens et une altération de la raison. Il en résulta que, sur ordre du mohtesib, les débits de café furent fermés, que la vente en fut interdite et que toute consommation de la boisson, même chez soi, était désormais passible de sévères punitions. Mais cette prohibition ne fut que provisoire ! En effet, elle fut levée par un rescrit du khalife d’Égypte déclarant que les docteurs du Caire, sans doute plus compétents, avaient reconnu l’innocuité du café — selon le khalife, « quoi qu’il soit possible d’abuser des meilleures choses, même de l’eau de la fontaine de Zéruzem, qui est dans le temple de la Mecque, ce n’était pas une raison pour l’interdire » (8). Les détracteurs du café ne s’avouèrent pas pour autant vaincus… Les religieux rigoristes fomentèrent, à nouveau, de graves émeutes contre les débits de café. De nouvelles interdictions intervinrent — au Caire (1523), à La Mecque (1524, puis 1543) —, qui ne s’appliquèrent que peu de temps, comme précédemment. Dans les décennies qui suivirent, d’autres situations du même type visèrent le breuvage et générèrent même de véritables soulèvements. Comme le rapporte ’Abd al-Qadir al-Jaziri (9), qui, en 1587, retraça, dans son histoire du café, la polémique religieuse qu’il suscita, à La Mecque et au Caire notamment, « les vases qui servaient à ce breuvage, et qui n’avaient rien que de pur et de décent, ont été brisés : les marchands de café ont reçu la bastonnade et subi d’autres mauvais traitements, sans aucun motif plausible ; ils ont été punis par la perte de leur argent. Les coques du bunn [baie], dont on tire cette liqueur, ont été plus d’une fois livrées aux flammes ; et plusieurs personnes, pour en avoir fait usage dans la vue de quelque utilité corporelle ou spirituelle, ont été maltraitées. » Il convient de noter que cette violence fut vécue avec la même intensité dans tous pays islamistes. Mais, chaque fois, le café finit par triompher, et sa popularité s’en trouva même accrue.
(6) A.-F. Aulagnier, Dictionnaire des Alimens et des Boissons en usage dans les divers climats et chez les différens peuples, 1839. Aulagnier se réfère ici à Silvestre de Sacy (Chrestomathie arabe, 1806).
(7) Il exerçait les fonctions de gouverneur et de lieutenant de police, en quelque sorte.
(8) A.-F. Aulagnier, Dictionnaire des Alimens et des Boissons en usage dans les divers climats et chez les différens peuples, 1839.
(9) Ce livre fut traduit en France par le célèbre orientaliste Antoine Galland, membre de l'Académie des Inscriptions et professeur d'arabe au Collège royal : Lettre sur l'origine et les progrès du Café ; extrait d'un manuscrit arabe de la Bibliothèque du Roi, 1696. - Traité de l'origine du Café, Caen, 1699. Au XIXe siècle, Antoine Isaac Silvestre de Sacy publia les deux premiers chapitres du livre d’cAbd al-Qadir al-Jaziri dans la deuxième édition de sa Chrestomathie Arabe (Paris, 1826, 3 vols.).
C’est en 1554, sous le règne du sultan ottoman Soleman le Magnifique, que furent créées à Constantinople, par un certain Schems, originaire de Damas, et par un dénommé Hekem, natif d’Alep, les deux premières boutiques turques consacrées au débit du café (kahvehané), dans le quartier de Takhtecalah. Ces lieux connurent un succès fulgurant. Loin de n’attirer que les Turcs oisifs et tout ce qu’il y avait de personnages considérables dans la ville, ils furent bientôt fréquentés par les beaux esprits — on donna aux cafés le nom d’École des savants. On y discutait de sujets sérieux, on y jouait aux échecs, on s’y adonnait à la lecture. En outre, nous dit un manuscrit turc du XVIIe siècle (10), « comme on en était quitte pour quelques aspres (11),ceux qui voulaient réunir des amis, au lieu de donner des repas, les y régalaient de café, et faisaient ainsi leur affaire à bon compte. » Seuls les dignitaires du pays évitaient de se montrer en ces endroits dont la réputation fut bientôt si grande que les religieux en prirent ombrage, voulant y voir une cause à la désaffection des mosquées. Ils s’efforcèrent donc de faire prohiber la boisson, allant même jusqu’à affirmer qu’elle était une sorte de vin. « Les muftis, prétendant que tout ce qui était rôti de manière à être converti en charbon était défendu par la loi, donnèrent des décisions authentiques dans ce sens. » (12) Leur vindicte fut terrible, au cours des années 1570. En dépit de ces interdictions, le café continua d’être vendu à Constantinople, mais de façon très discrète (dans des arrière-boutiques, notamment). Et ses amateurs finirent par gagner la bataille… « Les waiz [prédicateurs] et les muftis, revenus de leur opinion, déclarèrent que cette substance n’était pas réellement carbonisée, et qu’on pouvait en prendre : aussi les scheiks, les ulémas, les vizirs et tous les grands en prenaient-ils sans distinction. On en vint au point que les grands vizirs firent construire des cafés pour leur compte, et en retiraient un loyer d’un ou deux sequins par jour. » (13) Les imams se plaignant que les mosquées étaient désertes, mais les cafés toujours pleins, Amurat III fit fermer les cafés, mais permit d’en boire dans les demeures privées, à condition que les portes fussent fermées. Dès lors, la consommation du café était intégrée aux usages ottomans et ne cessa de se répandre dans l’empire. Et les débits de café rouvrirent peu à peu. Des vizirs devinrent même propriétaires de certains d’entre eux. En réaction contre l’essor de ces lieux dont les clients ne se privaient pas de critiquer les hautes autorités de l’empire, le vizir Mustapha Koprili (14) œuvra activement pour leur fermeture, laquelle fut proclamée en 1691. Une fois encore, le café ressortit victorieux de l’épreuve… Plus clairvoyant fut, semble-t-il, Mustafa II (1695-1703) qui autorisa le café et y décrypta une fonction rémunératrice non négligeable — en 1698, il frappa ce produit d’une imposition aux principales douanes de l’état. À l’époque, province turque, l’Égypte couvrait à elle seule plus de la moitié de la consommation de l’empire ottoman. L’importance du café était telle en Orient qu’au moment du mariage turc, le fiancé devait promettre à sa future femme qu’il veillerait à ce qu’elle ne manquât pas de café, le manquement à cette promesse étant une cause de divorce (15).
(10) Manuscrit turc daté de l’an 1050 de l’hégire (1640 du calendrier romain) et dont l’auteur porte le surnom de Betchevi. Trad. de M. Rhazis, XIXe siècle, citée par le Magasin Pittoresque, livraison 23, juin 1852.
(11) Monnaie d’argent de l’époque.
(12) Manuscrit turc daté de l’an 1050 de l’hégire. Op.cité.
(13) Manuscrit turc daté de l’an 1050 de l’hégire. Op.cité.
(14) Sous Mahomet IV.
(15) Les choses évoluèrent avec le temps. D’après Le Gastronome Français ou l’Art de bien vivre… (1828) : «À Constantinople les maris avaient le droit de défendre le café à leurs femmes. Maintenant en Turquie, le refus qu’un mari fait à sa femme de lui laisser prendre du café est une cause de divorce déterminée par la loi.»
Sans doute doit-on au botaniste et médecin allemand Leonhart Rauwolf, d’Augsbourg, qui voyagea en Orient (16), la première mention du café dans un texte émanant d’un Occidental. Mais il n’était pas le seul à avoir connaissance du café. Des commerçants vénitiens l’avaient découvert à Istanbul. Et, surtout, le célèbre médecin de Padoue, et botaniste non moins renommé, Prospère Alpinus (17), qui, en 1580, avait accompagné en Égypte un consul de la république de Venise, révéla aux Européens l’existence de l’arbuste et du breuvage que les Orientaux en tiraient: « J’ay veu un arbre dans le jardin de plaisance d’un Turc appelé Haly-Bey, lequel produit les graines communes qu’on appelle bon et ban, dont tous les Arabes et Égyptiens font un breuvage très commun, qu’ils boivent au lieu de vin et qu’ils vendent dans les tavernes publiques comme le vin parmi nous ; ils l’appellent caova. » Sur les traces d’Alpinus, d’autres voyageurs et savants (18) s’intéressèrent à la précieuse « fève » du caféier. La première évocation du chaoua en anglais figure dans une édition des Linschooten's Travels, traduits du hollandais et publiés à Londres en 1598, tandis qu’en 1601, les Sherley's Travels font état d’« une certaine liqueur qu’on appelle café ». Le mot n’avait pas encore trouvé sa forme définitive… Pour preuve, en 1603, le capitaine anglais John Smith (19)se réfère au coiffa dans le récit de ses voyages. Quant à la première description botanique du caféier, en Angleterre, elle revient à Parkinson, dans son Theatrum Botanicum (1640). En France, enfin, le premier à avoir mentionné le café dans un ouvrage serait le révérend père Pierre Dan, dans les années 1630, lorsqu’il décrivit les mœurs de la Barbarie (20) : « C’est leur coutume de s’assembler dès le matin dans les grandes rues, où il y a des marchands, & dans les places publiques, où se tiennent les bazars, ou marchés. Là sur le bord des boutiques, ils s’entretiennent à discourir, & à prendre dans de petites écuelles de porcelaine, du café & de l’eau de vie, dont il y a plusieurs cabarets. Ce café est une manière de breuvage noir comme de l’encre, qui leur semble fort sain, & qui dessèche grandement : quelques-uns appellent ce café, l’herbe divine, à cause de ses rares propriétés. L’on la fait dessécher puis réduire en poudre, l’on la fait infuser dans de l’eau qui se boit à petites gorgées & reprises, & le plus chaudement qu’il se peut. Ce breuvage a telle vertu qu’il rend un esprit gai, dissipe toutes les vapeurs qui surviennent après le boire & le manger, sert beaucoup à la digestion & fortifie le corps & l’esprit & emploient à ce bel exercice deux ou trois heures du jour, dont le reste se passe à prendre du tabac en fumée ; à quoi ils se plaisent si fort, qu’ils ne s’assemblent jamais en aucun logis, qu’on ne leur en apporte aussitôt.»
(16) De retour d’un voyage à Jérusalem (1573-1576), il publia Aigentliche beschreibung der Raiß ... inn die Morgenländer (Lauingen, 1582), écrit en dialecte souabe.
(17) De Medicina Ægyptorum Libri quatuor, 1591, et De Plantis Ægypti Liber, Venise, 1592. Les deux traités évoquent le café. Le second comporte la première illustration publiée d’un caféier. Prosper Alpinus (Alpini) mourut en 1617.
(18) Meisner (Traité du Café, 1621), Francis Bacon (Historia Vitae et Mortis, 1623 ; Sylva Sylvarum, 1627), Bacon de Verulam (1624), Burton (Anatomy of Melancholy, 1632), l'Allemand Jean Vesling à l’occasion de la réédition, à Padoue, de l’ouvrage d’Alpinus en 1638…
(19) Aventurier anglais qui fonda la Virginie.
(20) Histoire de Barbarie et de ses corsaires des royaumes & des villes d’Alger, de Tunis, de Salé, & de Tripoli, divisée en six livres où il est traité de leur gouvernement, de leurs mœurs, de leurs cruautez,de leurs brigandages, de leurs sortilèges et de plusieurs autres particularitez remarquables ; ensemble des grandes misères et des cruels tourmens qu’endurent les Chrestiens captifs parmy les infidèles. Par le R. P. Pierre Dan, ministre et supérieur du couvent de la sainte Trinité & Rédemption des captifs, fondé au château de Fontainebleau, Chez Pierre Rocolet, Paris, 2e édition, 1646 [1e édition 1637]. Livre second.
Malgré tous ces écrits, jusqu’au milieu du XVIIe siècle, le café resta mal connu en Europe. Simplement, quelques rares voyageurs en avaient rapporté d’Orient pour leur usage personnel et l’avaient fait découvrir à leur cercle d’amis. Ce fut le cas du Vénitien Pietro della Valle, ainsi que des Français Antoine de La Roque (21) et Jean Thévenoz (22). Il est difficile de donner des dates précises quant à l'apparition de l'usage du café en Occident. Les sources ne concordent guère. Sans doute commença-t-on à boire du café en Italie dès 1615 — le pays était très curieux de denrées nouvelles pour son négoce (23). L’année suivante, les Hollandais en firent venir directement de Mocha, en Arabie, par bateau, mais il fallut attendre quelques décennies avant que leurs importations ne se fissent régulières. D’autre part, il semble qu’en 1620, les pèlerins du Mayflower aient embarqué dans leurs bagages les ustensiles destinés à la confection du café, même si on ne devait vendre du café à Boston qu’à partir de 1670. Puis, au début des années 1650, le café aurait pénétré en Angleterre. Aurait-il été introduit de Turquie par un certain David Saunders, en 1652, comme l’affirment certains (24) ? Ou cela se serait-il fait, plus vraisemblablement, lorsqu’un marchand anglais, Daniel Edwards, rentra d’un voyage en Orient en compagnie d’un serviteur grec (25), expert en l’art de préparer le breuvage ? Quoi qu’il en fût, l’accueil y fut favorable, mais, comme en France, la boisson suscita une réaction de rejet chez certains. Bien qu’il constata « L’on peut dire que cette boisson a été tirée du lac de Styx, tant elle est noire, épaisse et amère », l’anglais sir Thomas Herbert, de retour d’une mission en Orient, dans les années 1620, ne manqua pas d’indiquer les étonnantes propriétés que Perses, Turcs et Arabes attribuaient au café. « Ils disent qu’elle est fort saine, prise toute chaude, car elle dissipe la mélancolie, purge la colère, engendre joye et aide admirablement à la concoction. » En outre, le café allait soulever les mêmes polémiques que dans les pays du Levant. Ainsi, en 1675, le roi Charles II interdit-il les débits de café pour être des lieux où se fomentaient les complots. Une interdiction qui eut un effet contraire, puisque les cafés se multiplièrent… La boisson n’allait, toutefois, connaître qu’un court succès et être bientôt délaissée au profit du thé.
(21) Antoine de La Roque (Marseille 1672 - Paris 1744) nous a laissé un récit de son Voyage de l’Arabie Heureuse…, Paris, 1716. L’édition originale fut bientôt suivie d’une édition à Amsterdam (1716), enrichie de nouvelles gravures. La partie du livre réservée au café fut traduite en allemand : Gründliche und sichere Nachricht vom Cafée und Cafée-Baum, Leipzig, 1717. Enfin, l’ouvrage fut traduit en italien (Venise, 1721) et en anglais (1726, 1732 et 1742).
Y sont relatées à la fois l’histoire des expéditions françaises en mer Rouge de 1708 à 1710 et une deuxième expédition faite du port de Mokha à la cour du roi du Yémen de 1711 à 1713. Ces récits sont suivis, dans la dernière partie de l’ouvrage, d’Un Mémoire Concernant l'Arbre & le Fruit du Café, dressé sur les observations de ceux qui ont fait ce dernier voyage — La Roque décrit le caféier (planches gravées à l’appui) — et d’un Traité historique de l'origine et du progrès du Café, tant dans l'Asie que dans l'Europe, de son introduction en France et de l'établissement de son usage à Paris, dans lequel tente d’apporter la vérité sur l’introduction précise du café en France. Nombre d’écrivains qui ont ensuite voulu parler du caféier et du café ont puisé dans cet ouvrage.
Dans le Mercure de septembre 1741, La Roque publia une Lettre qui a pour objet l'Éloge et l'utilité du Café.
(22) Neveu du célèbre géographe N. Melchidédech Thévenot, il effectua plusieurs voyages en Allemagne, en Italie et dans le bassin méditerranéen, avant de s’établir pour quelques mois à Constantinople et de publier ses premiers essais. Il partit en 1664 pour la Perse et les Indes, via la Mésopotamie et un séjour Alep dont il garda un souvenir chaleureux.
(23) Les Vénitiens furent les premiers Européens à importer du café en 1615. Le premier débit de café fut créé à Venise en 1645.
(24) Humphry Ward, History of the Athenaeum, 1824-1925, printed for the Club, London, 1926.
(25) La Grèce avait adopté l’usage du café en 1554, comme Constantinople.
L’introduction du café en France fut-elleplus tardive, comme l’affirment certains ? Ce serait Pietro della Valle, selon les uns, ou Antoine de La Roque, selon les autres, qui aurait apporté, pour la première fois, du café à Marseille. L’usage du café fut donc connu à Marseille bien avant de l’être à Paris ; dès 1644, on en consommait, et on disposait des ustensiles pour son service. Le café était-il importé de Venise qui, en cité pionnière du commerce du café, s’approvisionnait en Égypte ? Les négociants marseillais commerçaient déjà avec le Levant, et ils ne tardèrent pas à en faire venir directement des balles. C’est aussi à Marseille que fut ouverte, en 1671, la première « maison de café » française. Il convient de noter que, pour être largement répandue dans la ville phocéenne, la consommation du café suscita bien des polémiques. Des médecins s’en alarmèrent, prétextant que la boisson ne se prêtait pas à un climat chaud et sec. En dépit de ces disputes, de Marseille, le café allait bientôt gagner la Provence, Lyon, … Bien que connu à Paris en 1665 (26), il aurait fait sa véritable entrée dans la capitale en 1668-69, années où Soleman Aga Mustapha Raca occupa les fonctions d’ambassadeur de la Sublime-Porte (27) à la cour de Louis XIV. Entre autres coutumes auxquelles il restait fidèle malgré l’éloignement de son pays, ce diplomate offrait du café à ses nobles visiteurs, avec tout le faste du rituel oriental. L’amertume du breuvage surprenant ses convives, il y ajouta du sucre pour le leur rendre plus agréable au goût. Il semble que les femmes aient été les premières conquises… « Si, pour plaire aux dames », commente Legrand d’Aussy en 1782, « un Français, en pareil cas, leur eût présenté sa liqueur noire & amère, il se fût rendu à jamais ridicule ; mais ce breuvage était servi par un Turc, par un Turc galant, c’en était assez pour lui donner un prix infini.
(26) Mention en est faite dans La Muse de Cour, 2 décembre 1866.
(27) Il avait été nommé à ce poste par le sultan ottoman Mehmet iv.
» D’ailleurs, avant que le palais pût le juger, les yeux étaient séduits par l’appareil d’élégance & de propreté qui l’accompagnait, par ces tasses brillantes de porcelaine dans lesquelles il était versé, par ces serviettes, ornées de franges d’or, que des esclaves présentaient aux dames. Joignez à cela des meubles, des habillemens, & des usages étrangers, la singularité de parler au maître du logis par Interprète, celle d’être assises par terre sur des carreaux, &c, &c ; & vous conviendrez qu’il y avait bien-là plus qu’il ne fallait pour tourner la tête à des Françaises. » Café et turqueries devinrent très vite à la mode. Un mode souvent excessive, comme en témoignera, un peu plus tard, la Princesse Palatine à propos de Paule de Gondi, duchesse de Lesdiguières, dans une de ses lettres à la raugrave Louise (Versailles, 8 mars 1699). « On a parlé hier, à table, de la duchesse de Lesdiguières qui est d’un caractère bien étrange ; de tout le jour elle ne fait rien que boire du café et du thé, elle ne lit pas, elle n’écrit ni ne joue ; quand elle boit du café ses femmes de chambre sont obligées de s’habiller en turques, elle-même s’habille de même ; quand elle boit du thé c’est le costume indien qu’on revêt. Les femmes de chambre pleurent souvent à chaudes larmes d’avoir à changer de costume deux ou trois fois par jour. »
« Café, Cophé, Cavé, Cavet, Cahué, Caveah, Chaubé, Chaona […]. » (28)… Cahuet, également, sous la plume de Fusée-Aublet (Histoire des plantes de la Guyane) qui indique que sous le règne de Louis XIII, on vendait de la décoction de fèves du Levant à Paris, sous le Petit-Châtelet. Quelle que soit l’orthographe adoptée, le café fit fureur à la cour et dans la haute société. C’était un produit difficile à trouver — l’approvisionnement se faisait uniquement par Marseille — et, de ce fait, fort cher ; une livre de café était vendue à Paris quarante écus (29). Mais le volume des importations par Marseille augmenta rapidement, et le prix décrut considérablement, permettant à un public de plus en plus large d’en faire consommation. Quant à la préparation proprement dite, elle resta longtemps fidèle à la méthode turque. Pour réduire l’amertume, certains ajoutaient au café un peu d’essence d’ambre ou de sucre ambré. Quoi qu’il en fût, au tournant du XVIIIe siècle, le café n’avait, semble-t-il, plus de secrets pour les Occidentaux, qui savaient désormais bien préparer le breuvage. Les sources d’informations ne manquaient pas, tel le traité italien d’Angelo Rambaldi, Ambrosia Arabica overa della Salutare Bevanda Cafe (Bologne, 1691), qui avait apporté un éclairage érudit sur ses origines, sa culture, sa torréfaction et sa confection.
(28) Philippe-Sylvestre Dufour, Traitez Nouveau et Curieux du Café, du Thé et du Chocolate,1685.
(29) R. P. Labbat.
Jusque là, le café provenait du Levant. Il était récolté dans la région de Moka, transporté en barque au port de Djeddah, au bord de la mer Rouge, près de La Mecque, chargé sur des bateaux qui le menaient à Suez, puis transporté par des caravanes jusqu’à Alexandrie où venaient s’approvisionner les Européens. Il valait un prix exorbitant, compte tenu de ce long périple, mais aussi des droits élevés imposés par le pacha d’Égypte. On envisagea donc de faire directement commerce avec l’Arabie, par la mer Rouge. Au cours du dernier quart du XVIIe siècle, un marchand hollandais, Pieter van den Broecke, pressentant les belles perspectives offertes par le café, réussit à obtenir de l’imam de Moka des conditions commerciales très favorables. Aussi les Hollandais parvinrent tôt à importer du café. La première cargaison de café parvint à Amsterdam en 1637 et, dès 1660, le commerce hollandais de café était florissant. Anglais et Français firent bientôt de même.
En France, le 22 janvier 1692, le Roi accorda au sieur François Damame, bourgeois de Paris, pour une durée de six ans, le « privilège de vendre, faire vendre et débiter seul, à l’exclusion de tous autres, tous les caffez tant en fèves qu’en poudres […] » « dans toutes les provinces et villes du royaume, terres et seigneuries de l’obéissance de sa Majesté […]. ». Mais, à la demande de son propre bénéficiaire dont l’entreprise fut rapidement confrontée à des difficultés provoquées par la hausse considérable des prix, la baisse de la consommation et l’essor de la fraude, le privilège allait être révoqué l’année suivante(arrêt du Conseil d’État du Roi, 12 mai 1693), et le commerce du café devint libre. Il ne l’était toutefois pas totalement en matière d’exportations. En effet, pour faciliter la tâche de Damame, l’arrêt de 1692 avait interdit « à toutes personnes de faire entrer des caffez […] par d’autres ports que ceux de Marseille et Rouen, ainsi qu’il est ordonné pour les marchandises du Levant, à l’exception néanmoins des caffez qui pourront avoir esté pris en mer et de ceux qui viendront des isles françoises. » L’arrêt du Conseil d’État de 1693 fut plus restrictif et plus sévère encore, qui fit défense d’importer dans le royaume par un autre port que Marseille « à peine de confiscation et de quinze cents livres d’amende, […] à l’exception seulement du caffé qui sera trouvé sur les vaisseaux pris en mer sur les ennemis, qui seront conduits en d’autres ports que celuy de Marseille […]. » Les premiers navigateurs français à être allés acheter du café à Moka, en 1709, furent des Malouins. Et lorsqu’en 1720, le bateau La Paix, armé à Saint-Malo, rapporta dans ce port 1 500 balles de café chargées à Moka, un arrêt spécial (27 août 1720) dut être promulgué pour la circonstance.
La liberté du commerce ne vécut, en fait, qu’un temps. En 1723, pour soutenir la Compagnie des Indes, déjà détentrice de la ferme du tabac et qui connaissait de graves problèmes, le Roi lui confia « le privilège exclusif de la vente du caffé », « soit en gros soit en détail », défendant à qui que ce soit « de le transporter d’un endroit à un autre dans toute l’étendue du royaume, sous peine d’une amende de mille livres. » Il fut décidé, par ce même arrêt, que le prix de vente du café ne devrait pas dépasser cent sous la livre. Un prix dont les Français amateurs de café avaient eu à souffrir puisque, initialement situé autour de 27 à 28 sous la livre, il avait été officiellement fixé à 4 francs (arrêt du Conseil d’État du Roi, 22 janvier 1692), puis, quelques mois plus tard (arrêt du Conseil d’État du Roi, 19 août 1692, après l’inquiétant constat de la régression de la consommation, réduit à 50 sous la livre !
Devant les difficultés rencontrées par le commerce du café, les pays consommateurs envisagèrent de créer leurs propres plantations. Mais la chose s’avéra n’être pas aisée. Les essais de plantation de graines échouèrent, compte tenu de la fragilité du germe de café. Or quiconque s’aventurait à sortir d’Arabie un seul plant de caféier risquait la mort. Certains virent même de la malice de la part des Orientaux, les accusant « de tremper dans l’eau bouillante, ou de faire sécher au feu tout celui (le café) qu’ils débitent aux étrangers, dans la crainte que venant à élever comme eux cette plante, ils ne perdissent un revenu des plus considérables. » (Encyclopédie, Diderot et d’Alembert.) Ce furent les Hollandais qui, à la fin du XVIIe siècle (vers 1690, semble-t-il), à l’instigation de Nicolas Witsen, bourgmestre d’Amsterdam et gouverneur des Indes Orientales, réussirent à dérober, à Moka, un ou plusieurs plants de caféier qu’ils plantèrent dans leur jardin à Batavia (auj. la ville indonésienne de Djakarta), dans les Indes Néerlandaises. Ils s’attribuaient là un monopole, qu’ils s’efforcèrent farouchement de préserver — s’exposait à la mort qui s’avisait d’exporter des plants de cette colonie —, et ils précédèrent bientôt les Arabes sur le marché mondial du café. De Batavia, « où ces plants réussirent si bien, qu’en 1690, l’île en était presque entierement couverte » (Legrand d’Aussy, 1782), ils transportèrent des plants à Surinam et à Berbiche, sur le littoral guyanais, où ils prospérèrent. La culture du café s’étendit aussi à Java, à Ceylan, à l’Inde méridionale… « Peut-être que dans un tremblement de terre arrivé en 1697, dans l’isle de Java, & qui fit périr la plupart des jardins, ils auroient multiplié plutôt à leur avantage cet arbre de caffé ; dans la suite cependant leurs jardins étant en bon état, ils virent quelques rejettons de caffier qui poussoient à merveille, en sorte qu’en 1706, plusieurs jardins & celui du gouverneur général en furent assez garnis. Cependant la compagnie Hollandoise s’avisa bien tard à mettre à profit cette découverte : elle ne commença qu’en 1719 à faire cultiver le caffier dans des champs. Comme il y réussit bien, on l’a beaucoup multiplié depuis dans les isles de Java & de Ceylan, où il croît à la hauteur de 20 à trente pied, & même quelques-uns jusqu’à 40, au lieu qu’en Arabie, […] il ne s’eleve que de 6 à 12 pieds. », relate le Dictionnaire Portatif de Commerce, en 1770. Et le même ouvrage donne un état de la situation hollandaise en matière de café au cours de ce dernier tiers du XVIIIe siècle : « Les jardins de médecine de l’Europe en sont munis, pour satisfaire les botanistes et les curieux. Les isles Hollandoises de l’Amérique, principalement Surinam, en cultivent beaucoup. C’est en Hollande & dans le Nord que les Hollandois en font le débit. Mais ce caffé n’est pas si bon que celui de Java, aussi ils le vendent un peu moins. »
Les Français furent moins avisés que les Hollandais et mirent quelque temps avant de comprendre l’intérêt de la caféiculture… Curieusement, celle-ci débuta à Paris avant de s’établir sous le climat des îles plus propice à son essor ! Certes, d’après Nicolas de Blégny, qui l’avait signalé en 1687, un gentilhomme de la région dijonnaise avait entrepris de cultiver du café dont la qualité ne se différenciait de celle du café d’Arabie que par un parfum moindre. Mais personne n’y avait porté attention. Il fallut donc attendre le début du xviiiesiècle, époque où un ou plusieurs plants[i]furent importés de Batavia pour être cultivés au jardin botanique d’Amsterdam. De graines en arbustes, en 1714[ii], la municipalité de la ville[iii], qui pourtant tenait à l’exclusivité de cette culture, offrit l’un de ces jeunes pieds à Louis xiv, qui trouva aussitôt place au Jardin du Roi (auj. Jardin des Plantes) et dont le botaniste Antoine de Jussieu fit une étude précise[iv]. Curieux destin que celui de ce plant, qui s’acclimata fort bien et qui allait être « le père des premières plantations de café dans nos Isles d’Amérique »[v]!
[ii]Peu avant, le bourgmestre d’Amsterdam, M. Paneras, avait répondu favorablement à la demande de monsieur de Resson(s), lieutenant général de l’artillerie et amateur éclairé de botanique, de recevoir un plant de caféier. Ce plant, dont de Resson(s) fit don au Jardin du Roi, semblait improductif. Aussi le gouvernement royal entreprit-il des négociations avec le bourgmestre pour qu’un second exemplaire lui fût donné.
[iii]Grâce à « la libéralité de M. Pancras, consul & recteur de la ville d’Amsterdam » (Dictionnaire Portatif de Commerce, 1770.)
[iv]Publiée dans les mémoires de l’Académie Royale des Sciences pour l’année 1713. V. Bibliographie.« Il en a aussi donné l’histoire en abrégé, qui éclaircit très-bien ce qui avoit été si long-temps caché sous les fables qu’on avoit débitées jusqu’à ses observations sur ce genre de plante. Il a trouvé que c’est une espece de jasmin, qui est naturel en Arabie. On avoit cru jusques-là que c’étoit une plante légumineuse qui donnoit une espece de feve enfermée dans une gousse ou silique ; mais la chose s’est trouvée tout-à-fait fausse. » (Dictionnaire Portatif de commerce, 1770.)